Chacun dira que j’ai eu une enfance heureuse ; au fait c’est quoi une enfance heureuse ? , Beaucoup de jouet, des beaux vêtements, des vacances, une belle maison, une belle voiture de papa, une belle maman ?
Tout faux, c’est pas ça, et paf !!!!!!!!!
Une enfance heureuse c’est un papa qui te regarde avec ses yeux fatigués de travail pour payer la bouffe de la maison ou qui rêve d’un avenir meilleur pour sa famille ou encore qui veux vaincre la malédiction de classe, enfin qui veut aller au-delà de sa condition, et une maman qui tire la couverture du canapé sur ton papa parce qu’il s’est endormi d’épuisement et elle qui dit ; « faut l’excuser il est si fatigué, mais il vous aime vous savez ! »
Un papa il vous apprend ça :
Un jour nous étions en vacances à l’île d’Oléron et tous les quatre nous paressions sous les pins maritimes ; mon frère et moi commencions à nous agiter.
Alors mon père s’extrait de sa sieste et nous montre quelque chose que je n’oublierai jamais :
Tout d’abord il me dit ceci, à moi, car il était très traditionnel et vu que j’étais l’aîné………….. :
Antoine quand j’avais ton age je volais les harengs sur la grande table de la ferme où mon père travaillait car j’avais faim ; donc tu peux comprendre que je n’ai pas eu de jouets !
Alors voilà ce que je faisais, (pour m’expliquer qu’il ne comprenait pas que je puisse m’ennuyer dans un sous bois si riche en possibilité d’activités et jeux d’enfant):
J’avais un couteau de paysan, tu sais ceux avec lesquels on coupe la tartine en petit triangle sur lequel on pose un morceau de saucisson ou de rillettes puis qui porte à la bouche ce met simple mais délicieux.
C’était mon seul bien.
Je me fabriquais mes jouets avec : par exemple, les petits bateaux que je lançais au fil de l’eau
Regardes :
Il prit un morceau d’écorce de pin et commença à façonner une jolie coque de barque. J’étais fasciné. J’ai pris l’opinel avec lequel bien entendu je me suis coupé, et j’ai sculpté mon premier bateau d’écorce.
Depuis tous mes enfants connaissent ces petits esquifs et aiment jouer avec ou les garder tout simplement
Mon père faisait aussi des moulins, avec une branche et de petites pales de bois taillées dans des copeaux, il suffisait de trouver un filet d’eau et les pales tournaient, c’était magique !
Il faisait des chars avec une bobine de fil des allumettes et un élastique
Des jeux de construction avec les chutes de bois du menuisier, des épées et des fusils bien sûr etc etc
Dans un même registre, mais avec un pouvoir de mémoire aussi puissant, mon grand père paternel, ce petit homme aux mains puissantes d’ouvrier, habitué à travailler le fer, un jour que nous nous promenions tous les deux, ayant emprunté ce chemin au nom si « poétique » de « crotte à cul », s’arrêta brusquement et se saisissant d’un branche me dit :
-Regardes Antoine, comment on coupe proprement une grôôôôôôôsse, branche.
Il se saisit de son couteau, au corps de cuivre jaune représentant un scène de chasse ou de foot , avec l’indispensable tire bouchon et une solide lame , deux instruments vitaux pour lui , et commença à attaquer le bois en inclinant la coupe de façon à créer un cône de rupture . Puis il brisa ce qui restait de bois.
-voilà, comme ça tu ne te coupes pas et c’est facile tu vois !
Bien que je n’avais pas quatre ans à l’époque la scène reste gravée pour toujours dans ma mémoire. Du reste le même jour, comme nous nous engagions dans ce chemin, me montrant un majestueux noyer, il me dit :
-Tu vois c’est avec ce bois qu’on fait les crosses de fusil !
Je ressentais à quel point cette phrase était lourde de sens.
Bien qu’il n’y ai aucune comparaison entre l’enfance de mon père ,et la mienne , puisqu’il fut un haut fonctionnaire à force de travail , ce que je retiendrait ce sont ces choses là et d’autres encore du même type .
A mon âge c’est ce qui reste, des « détails » importants !
On a l’impression que beaucoup se cristallise dans ces petits faits ridicules, comme une symbolique puissante, un apprentissage initiatique comme celui qu’on retrouve dans certaines confréries …
IL y a la gestuelle, la matière, le travail de l’objet brut, l’ « œuvre » enfin. Certains se reconnaîtront.
Je crois beaucoup en ces petits apprentissages de l’enfance comme support d’une relation affective avec nos parents et également comme vecteur d’un enseignement plus «exotérique ».
Je ne manque jamais de le faire avec mes propres enfants et ils réagissent comme moi, ça marche à tous les coups. Avec ça on fait sans problème un ingénieur grande école.